Impossible de comprendre le free jazz sans se replacer dans le contexte bouillonnant des années 1960. Aux États-Unis, cette époque est celle des luttes pour les droits civiques, des contestations sociales et politiques, et des remises en question globales des normes conservatrices. Le jazz, art profondément enraciné dans l’histoire afro-américaine, a naturellement absorbé ces tensions.
Le free jazz devient alors un cri. Cri de liberté face à des codes qu’on juge trop rigides, cri de révolte contre une société marquée par le racisme systémique. Des artistes comme Ornette Coleman, John Coltrane, Cecil Taylor ou Albert Ayler n’ont pas simplement voulu repousser les limites musicales : ils ont voulu utiliser leur musique pour incarner une manière différente de voir le monde.
Le poids des traditions musicales
Jusqu’alors, le jazz avait évolué selon différents courants : le swing, le bebop, le cool jazz, et même le hard bop. Chacun de ces styles, bien que novateur en son temps, respectait toujours une certaine structuration harmonique et rythmique héritée de la musique européenne. Le free jazz, avec son absence de grilles fixes, rompt avec cette logique et réintroduit des traditions d’improvisation plus proches des musiques africaines ou asiatiques.
Cette démarche remet également en question un jazz qui, aux yeux des pionniers du free jazz, semblait s’embourber. Trop « muséifié », trop soumis aux exigences commerciales ou aux arrangements sophistiqués. Le free jazz, lui, entendait retrouver l’urgence, l’instinct, voire le chaos créateur.